
La conjoncture économique sonne-t-elle la fin du modèle périmé de la négociation « à la française » ? Quelques constatations pêle-mêle sur les négociations 2023 qui s’ouvrent …
L’année 2022 nous aura beaucoup appris sur le changement économique qui s’impose, sans doute sur un temps long, aux acteurs de la négociation avec la grande distribution.
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Le premier enseignement est que l’incertitude économique va dorénavant diriger les échanges en box : sur les marchés d’intrants, sur le comportement du consommateur face à une inflation des PVC, sur les besoins économiques des enseignes…L’aléa va être de mise sur les volumes faisant l’objet du plan d’affaire et sur la façon de le construire. Or, négocier un prix d’achat dès le 1er mars en tant qu’industriel devient une roulette russe par cette absence de visibilité… ce qui constitue déjà un déséquilibre économique en tant que tel.
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Le second enseignement vient de ce que la distribution se sait être l’otage de ses propres comportements d’achat qui ouvrent, comme d’habitude, très peu à une vraie négociation avec leurs fournisseurs. Elle ne peut plus nier que les postures de ses équipes achat dans les box peuvent la dépasser et provoquer aujourd’hui des drames économiques et sociaux parce que les contraintes chiffrées d’un producteur circulent beaucoup mieux. Elle ne peut plus dire qu’elle ne savait pas.
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Le troisième enseignement est que si nous ne pouvons plus baisser les Prix d’achat sur des perspectives solides de croissance, il va donc falloir échanger sur l’amélioration des coûts de production et distribution. Le fameux « 10 fois net » s’insinue mieux pour expliquer les hausses et remettre ainsi en cause la négociation du « 3 ou 4 fois net » imposé dans les box, notion de gestion totalement inepte.
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Enfin, un quatrième enseignement tient à l’encadrement des bonnes pratiques que nous espérions avec le Code du commerce. Il est démontré, à grand coup de Pacte et de Charte, (sans valeur juridique) qu’il patine dans sa mission à rétablir certains grands équilibres contractuels dans la situation macroéconomique actuelle. Les conditions dans lesquelles se sont faites et se font toujours l’application d’un nouveau tarif en urgence le démontre. Bien plus : certaines enseignes non seulement se substituent à l’Administration pour interpréter le Droit mais utilisent aussi le poison selon lequel l’amende – si elle tombe- est moins coûteuse que respecter les règles fondamentales du droit civil et commercial.
Les signes de refus de cette négociation
Même si le chemin semble encore long, la négociation ne peut donc plus se dérouler sans bouger son contenu et sa forme pour éviter une vraie destruction des rentabilités d’entreprises.
4 outils s’imposent dans les négociations 2023 qui s’ouvrent :
- L’objet de la négociation sur le prix d’achat ne peut plus être décorrélé d’un minimum d’engagement de VAP (volumes d’achats prévisionnels), pour permettre aux industriels de tenter de piloter leur Prix de revient.
- Les 2 négociateurs vont devoir ouvrir un échange sincère sur ce qu’est une vraie contrepartie qui peut justifier une discussion sur la baisse du tarif général : la baisse de charges et non plus seulement le développement du sell out.
- Les conditions de descentes tarifaires vont devoir s’adapter, notamment avec un retour de la ristourne et de la fin du taux promo garanti.
- Enfin, les enseignes autistes vont devoir apprendre à gérer des refus de production, avant même de parler de refus de livraisons, et ce, quoi qu’il en coûte aux fournisseurs…
Ces évolutions techniques étaient en mouvement depuis un certain temps. La crise accélère tout. La grande distribution et l’industrie ne peuvent plus échapper à ce nouveau modèle : c’est la bonne nouvelle à retenir en cette fin d’année même si le fournisseur va devoir faire des efforts pour tenir mentalement sa ligne de conduite !
Mais nous en reparlerons…
Très bonnes fêtes !