La crise de gouvernance que connait actuellement Intermarché est sans doute une querelle d’hommes comme les indépendants savent les connaitre. Elle rappelle que la crise qui poursuit en France les enseignes est là depuis longtemps : Casino avec son décrochage permanent en termes de PVC, Auchan et son fardeau que sont ses hypers, le passage de bras en bras de Cora, Carrefour émergeant grâce à son lent dépeçage. C’est donc au tour d’Intermarché avec le départ de son dirigeant.
Mais c’est surtout le modèle interne de la GMS française que l’industrie subit.
Indépendamment de la crise géopolitique, économique et climatique, la Grande Distribution impose à l’industrie sa propre crise, et depuis longtemps :
La centralisation des achats qui s’est confondue avec la centralisation des offres au bénéfice d’un « tout sous le même entrepôt », exige dorénavant un retour au local.
Une ramification de plus en plus étendue et coûteuse de ces mêmes circuits d’approvisionnement (digital, quick commerce…) devient trop coûteuse pour le distributeur, surtout en l’absence d’une proposition collaborative avec le fournisseur sur le sujet et lorsque la baisse des volumes survient.
La crise violente, et installée, chez les industriels qui leur interdit dorénavant de subventionner la Grande Distribution comme elle l’a fait à coup de financements sans contreparties.
La facilité du recours aux pénalités qui démontre que la Grande Distribution a du mal à s’extirper des situations de rente qu’elle a créées.
3 handicaps générés par la crise du modèle des enseignes deviennent très lourds à porter pour l’industriel.
L’industriel a traditionnellement besoin d’un temps long pour autofinancer les conditions commerciales qu’il donne à son client en année N. Ceci est possible s’il dégage des gains de productivité durant l’année N+1 dans un environnement stable, donc lisible. Or, le fournisseur ne distingue plus rien actuellement parce que c’est la brutalité des hausses qui déstabilise les industriels et non seulement la hausse.
L’industriel a besoin d’une visibilité sur la stratégie de revente de son client et doit être informé, en temps réel, des réalisations et éventuels changements conjoncturels de cap. Ceci pour se substituer au Grand Distributeur qui se dit incapable (est-ce bien vrai ?) de projeter un prévisionnel de commandes à son fournisseur.
Enfin, l’industriel a besoin d’une négociation totalement transparente. La confrontation des box sur le « 3 ou 4 fois net » tend encore maladroitement à cacher que celle-ci se fait autour du « X x net »., c’est-à-dire sur le P&L global de chacun des partenaires. Les CGA sont là pour démontrer le transfert de charges à laquelle se livrent chaque année les enseignes pour siphonner la rentabilité du fabricant.
Olivier Lauriol